DATES
5 février 2013 – Théâtre Jacques Coeur, Lattes (34)
24 et 25 Juin 2012 – Printemps des comédiens, Montpellier (34)
20 et 21 Avril 2011 – Théâtre La Vignette, Montpellier (34)
L'ÉQUIPE
Jeu
Fabienne Augié
Amarine Brunet
Camille Daloz
Stéfan Delon
Julie Minck
Virgile Simon
Jean-Christophe Vermot-Gauchy
Mise en scène
Antoine Wellens
Dramaturgie
Marie Reverdy
Scénographie et croquis
Alexis Romanet
Création lumière
Amarine Brunet
Camille Mauplot
Production
Hélène Sorin
PRODUCTION
Production :
Primesautier Théâtre
Avec l’aide de la DRAC Occitanie, de la Région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée et de la ville de Montpellier.
Avec le soutien du Domaine d’O-Domaine départemental d’art et de culture de l’Hérault, de la Fabrique du Vélodrome à La Rochelle, de la Boîte à Rêves de Béziers et du Lycée Frédérique Bazille de Montpellier pour un accueil en résidence.
La vie de Galilée
Une Création Documentée
Introduction – un auteur / théoricien : Bertolt Brecht
Le grand intérêt que nous offre la dramaturgie brechtienne réside dans la proposition esthétique du théâtre épique et de la distanciation qui en découle. Pour Brecht, la forme dramatique aristotélicienne, soumise à l’unité et dont la visée est l’illusion du vrai, aboutit à rendre le spectateur intellectuellement passif par la proposition d’un dénouement conclusif d’instauration (ou restauration) de l’harmonie sociale. Elle repose sur le conflit et sa résolution et proclame « une vérité ». Le théâtre épique brechtien propose une tendance plutôt qu’une forme établie. L’épique entretient un rapport dialectique avec le dramatique, il l’éclaire et l’interroge, il l’étoffe et le complexifie. « Le sens se produit et va ailleurs que dans le sens fléché par l’acte : c’est le réalisme au sens brechtien : ce qui sur scène ne cherche ni à se faire prendre pour du réel, ni ne se résigne à en être définitivement coupé. »1 Le récit y est développé sans se résumer à une simple narrativisation du drame mais procède plutôt par percée, par déchirure dans le tissu de cohérence de l’unité dramatique. L’écriture devient plus hybride et plus fragmentaire. L’auteur n’est pas démiurgique mais « rhapsode » (Jean-Pierre Sarrazac, « L’Avenir du drame ») dont l’étymologie (coudre) renvoie à un acte d’écriture proche du montage, « assemblant ce qu’il a préalablement déchiré et dépiécant aussitôt ce qu’il vient de lier ». De cette forme d’écriture surgit la voix de la palinodie, du questionnement et du commentaire, problématisant le drame sans jamais le résoudre sous la poussée de la pulsion rhapsodique.
En tant que médiation entre l’observateur et la chose qu’il observe, le théâtre épique propose une « étude » du réel et de l’histoire.
« Il n’y a plus un monde clos, celui de la scène, qui détiendrait une vérité à laquelle la salle doit s’abandonner en s’oubliant elle-même. Il y a collaboration entre la scène et la salle par le truchement d’un spectacle qui tire sa vérité non d’une certaine idée du théâtre ou d’un désir de communion culminant dans un seul acte d’amour, mais d’une expérience commune aux producteurs et aux consommateurs de théâtre : l’expérience de leur société. » (Bernard Dort, « Théâtre public », Avant-propos, 1967)
La volonté propre à la Compagnie Primesautier de tendre vers la démonstration du caractère performatif du théâtre doit se penser en termes de filiation avec la distanciation brechtienne. Notre théâtre semble se construire sous les yeux du public pour répondre à la question sans cesse posée : comment représenter cette parole ? C’est un théâtre en train de se faire, en train de s’accoucher de lui- même, en train de se chercher un sens.
Note de mise en scène
L’intérêt plus particulier de cette pièce réside dans le thème qu’elle exploite, celle de la position sociale de la recherche scientifique, du dévoilement de la vérité démontrable lorsque celle-ci vient contredire les croyances sur lesquelles s’appuie le pouvoir en place.
Si ce n’est grâce à la personnalité de Galilée, l’importance des théories galiléennes et leurs portées scientifiques, ainsi que la remise en question des fondements religieux d’explication du monde qu’elles supposent, finiront par s’imposer, pour leurs valeurs propres, dans les sociétés européennes.
Les théories galiléennes sont de véritables bombes à retardement jetées dans la société qui les a vues naître. Cependant Galilée reste un homme de son temps, chercheur passionné il est également père, citoyen, pieux, susceptible de succomber à diverses tentations, fragile face à la mort. Il refuse le statut de martyr mais ne saurait se résoudre à arrêter la recherche pour autant. Toutes ces facettes de sa personnalité entretiennent un rapport particulier avec la connaissance et sont tout autant actants du drame que les autres protagonistes présents dans la pièce. Alors ?
Alors c’est par cette porte d’entrée que nous pénétrons en terres galiléennes et proposons d’utiliser le théâtre comme un outil de la pensée sans en oublier toutefois le plaisir. Car la pensée est plaisir… Elle produit du jeu, des gestes et des masques différents. C’est donc cette zone « du discours » qui sous-tend toute la pièce, le théâtre naît de ces acteurs qui construisent de la pensée et la suivent en évitant cette triste dichotomie entre la pensée et le corps acceptant de se concentrer sur la représentation d’un « corps qui pense ». Six acteurs dans une pièce avec six bureaux, des lampes, néons, lustres, lampadaires qui viennent éclairer et cartographier l’espace lui donnant un peu de sens en sus entre ombre et lumière. Ici, tout se fait du plateau, religieusement par et pour le plateau. « Car tout bouge mon ami » dans ce fantastique kaléidoscope dédié à l’argumentaire et à la raison où la question « qui parle ? » compte bien moins que ce qui est dit. La répartition des paroles tient donc compte des fonctions de chacun au sein de la trame narrative. Un acteur interprète ainsi plusieurs personnages autant qu’un personnage peut être interprété par plusieurs acteurs. En effet, Brecht s’attache autant à rendre visibles les mécanismes sous-jacents aux actions des protagonistes du fait de leur statut au sein d’un environnement signifiant, qu’à rendre compte de l’impact à grande échelle (sociale et temporelle) que produisent leurs actes.
Le plateau est pour les acteurs un lieu de recherche, un laboratoire public dans lequel on travaille aux hypothèses, aux théories et à l’observation en s’appuyant sur des jeux fuyant la psychologie des personnages pour nous tourner vers la représentation en train de se faire, le moment où la pensée se fait chair, vers la réalité du plateau, vers l’ambiguïté de certains arguments et ce que révèle une dispute en bonne et due forme. Car la pensée n’est pas pure, elle regorge de « caillots de sang » comme dirait Brecht, elle n’est jamais coupée du ton, du corps, de la voix, de ce qui suinte derrière des arguments propres et beaux. La pensée trahit toujours un peu de celui qui la manie en public, qui s’en sert pour seule fin d’avoir tort ou raison. Incarner la pensée (car c’est bien d’incarner dont il s’agit ici) nous amène à hisser la pensée et ses modes de représentation comme un acte théâtral précis à temps plein, une méthode de jeu exigeante et un langage esthétique assumé.
Note sur la scénographie
Question : Quel est pour nous le lieu le plus important de la pièce ?
Réponse : le cabinet de travail de Galilée.
C’est à partir de ce lieu de travail que nous avons construit notre scénographie. Six tables en arc de cercle, qui semble se clore avec le public. Une table pour la cuisine en arrière-plan, un fauteuil avec mappemonde-bar (clin d’œil à une mise en scène du Berliner), deux vidéos projecteurs pour montrer les cartes du ciel, des documents… Un feu de cheminée en néons et des lampes.
Beaucoup de lampes car la lumière constitue l’élément essentiel de la scénographie, elle cartographie les espaces et crée les atmosphères propres à chaque tableau. Le jeu des lumières devient ainsi une véritable chorégraphie de sens connotés et dénotés et ne saurait se limiter à son pur aspect fonctionnel. L’ambiguïté du signe Lumière tient à son aspect symbolique, celui-ci fait d’elle le drapeau de la vérité, la transparence des opérations politiques, l’image de l’idée. L’absence de lumière devient alors synonyme d’obscurantisme, religieux dans le cas de la présente pièce, de manigance, de secret politique mais l’ombre est également, pour Galilée, synonyme de protection lui permettant de continuer son travail. Alors, lustres disparates, lampes de bureau, lampadaires, lampes à pied et néons trouvent leur place et leur fonction petit à petit.
La régie lumière est sur le plateau car rien ne doit sortir du plateau. Tout y est élément pour représenter l’histoire. « Montrer le matériel » disait Brecht en son temps. Alors nous montrons tout. Rien ne s’allume ou s’éteint comme par magie, les acteurs manipulent cette scénographie pour voir, être vus, expliquer les enjeux de la pièce ou répondre aux didascalies (nuit, matin, salle de bal…).
La scénographie entière devient alors support pédagogique pour l’histoire comme la maquette du système de Copernic l’a été pour Galilée en son temps. Le curateur de Venise vient discuter au coin du feu, on se déplace dans l’espace pour trouver l’endroit de démonstration le plus juste, les acteurs utilisent le lieu comme on réaménagerait une salle de cours, pour des besoins qui leur appartiennent et tant mieux si la lampe utilisée devient alors prépondérante quant à la séquence, lui donnant une tonalité, un contexte, une temporalité …
Une Compagnie en résidence
Pour cette création fleuve qu’est La vie de Galilée, nous avons souhaité rencontrer ce que nous imaginions être les « équivalents » actuels des différents personnages de la pièce. Il s’agissait de comprendre les différentes expériences de Galilée, les enjeux épistémologiques de la pièce et trouver des documents que nous pourrions produire sur scène. Notre porte d’entrée pour cette recherche fut de s’intéresser en premier lieu aux personnages de l’histoire puis de tirer le fil de ces rencontres vers la documentation souhaitée.
1 / Les personnages – Des figures du passé aux figures du présent
Lors de notre résidence de trois semaines à la Fabrique du Vélodrome de La Rochelle, l’équipe, en dehors des temps balisés de répétition, partait à la rencontre de différentes personnalités en lien avec leur personnage.
-Les acteurs jouant Galilée ont ainsi rencontré des chercheurs du Muséum d’histoire naturelle et un astrophysicien. Ils ont pu participer à des ateliers d’astronomie et comme Galilée en son temps, ils ont observé Jupiter, le mouvement de ses satellites et ont pu imprimer sensiblement l’état d’observation et d’émerveillement de la mécanique céleste.
-Julie Minck qui jouait la fille de Galilée passa deux jours complets au couvent des Clarisses. A noter que deux sœurs de ce couvent sont venues tourner une séquence dans le décor du spectacle, séquence gardée par la suite pour la création.
-Amarine Brunet, qui jouait la bonne de Galilée, a rencontré la femme de ménage de l’évêque de La Rochelle pour l’interviewer et recueillir ses impressions sur les différentes responsabilités de son travail et les particularités de cette institution.
-Virgile Simon et Camille Daloz qui jouaient les jeunes disciples de Galilée ont rencontré des élèves de la filière scientifique du lycée Dautet, et des étudiants en astronomie et astrophysique de l’Université de la Rochelle et de celle de Montpellier.
2 / Ciel Aboli – Des Vignettes radiophoniques en partenariat avec RCF La Rochelle
Pendant cette résidence, les acteurs, le metteur en scène et la dramaturge se sont pliés à l’exercice de préparer des vignettes de 6 minutes dans lesquelles ils devaient parler de la pièce, des thèmes qu’elle soulevait et des personnages. Il s’agissait d’explorer d’un point de vue personnel ce qui les touchait et les intéressait dans la pièce de Brecht du point de vue de leurs fonctions respectives.
Ces vignettes ont été diffusées 3 fois par semaine.
3 / Répétitions et Conférence avec Paul Virilio, Urbaniste-Philosophe.
Ce fut une rencontre magnifique et passionnante : Paul Virilio est venu travailler avec nous sur notre lieu de résidence autour des enjeux épistémologiques et scénographiques de la pièce. Lui et la dramaturge du projet Marie Reverdy ont préparé une conférence sur le procès Oppenheimer au Centre Jean-Baptiste Souzy.
4 / Les exposés Galilée / Lycée Agropolis de Montpellier.
En partenariat avec ce lycée, 4 classes et leurs professeurs en association avec des membres de l’équipe, ont travaillé sur différents aspects de la pièce et ont offert en public leur résultat dans leur salle de classe ou en amphithéâtre.
-Marie Reverdy et Stefan Delon ont travaillé avec une classe de terminale en Philosophie autour de la question : La science peut-elle prétendre constituer une connaissance adéquate du réel ?
-Virgile Simon a travaillé avec une enseignante en mathématiques qui s’occupe également de l’atelier astronomie du Lycée. Ils ont mis en espace l’évolution des concepts mathématiques et astronomiques du Big Bang à nos jours.
-Camille Daloz a proposé avec une classe de physique, un exposé déambulatoire sur les différentes théories et expériences de Galilée.
-Antoine Wellens a travaillé avec une classe de BTS en œnologie et technique commerciale. Les étudiants ont organisé une dégustation : le vin des écritures, où chacun, à la lecture de la pièce, a associé un vin avec un personnage.